M. Ouelha, conseiller principal d'éducation (CPE), aura été l'une principales chevilles ouvrières du programme Raccrocher Par les Médias (RPM) pendant 2 ans. Nous lui avons demandé un édito pour qu'il partage sa vision du décrochage et ce qu'il retient de tout le travail entrepris dans le cadre de RPM.
« Le décrochage scolaire,qu'est-ce que c'est? Comment y remédier ? Quelles en sont les causes? Quelles solutions pourrait-on proposer à ces jeunes en difficulté? »
A
l'instar de nombreux acteurs impliqués dans l'aide à la jeunesse, je me suis
posé ces questions à d'innombrables reprises. Ce terme un peu
« fourre-tout » regroupe énormément de problématiques, ce qui a
tendance à complexifier la question.
Après
avoir envisagé la question sous plusieurs angles depuis mon arrivée au collège
Pablo Neruda, et avoir lu différents ouvrages sur cette thématique, je me suis
rendu compte qu'il n'y avait pas de dispositifs au sein desquels la parole des
décrocheurs était prise en compte. Convaincu qu'ils étaient tout de même les
mieux placés pour nous éclairer à ce sujet, je voulais depuis un moment les
mettre au coeur de l'enquête, je voulais les rendre acteurs de leur propre
« redressement », ou « raccrochage », de leurs propres réussites,
aussi minimes soient-elles. Un vœu pieux à l’époque.
En
tant que Cpe, le fait d'être la plupart du temps dans une relation duelle avec
les élèves fait que l'on peut être en mesure de découvrir l'individu qui se
cache derrière son statut d'élève et en particulier d’élève décrocheur. Une
autre image qui mérite d’être partagée avec l'ensemble de la communauté
éducative (au sens large du terme).
A
l’inverse, ce travail sur les représentations vaut aussi pour les élèves qui ne
considèrent bien souvent les adultes du collège que par le prisme de leur
fonction. Alors qu’il y a derrière des personnes qui oeuvrent à leur
développement et à leur réussite. Avec
leurs doutes et leurs victoires, avec leur énergie et leur vouloir.
De
nombreuses catégories d’acteurs éducatifs se côtoient sans pour autant se
connaître: des adultes, des adolescents, des entreprises, des professeurs, des
élèves, des patrons, des apprentis, des parents, des assistants d'éducation,
des provinciaux, des parisiens, des banlieusards.
La
méconnaissance est bien souvent à l'origine d'incompréhensions mutuelles, de
fausses idées et elle biaise bien trop souvent les relations humaines. Lutter
contre ces faits induit forcément l'ouverture de l'éducation nationale sur son
environnement, vers ses partenaires et vers tous les acteurs de la société à laquelle
on prépare l'intégration de nos futurs citoyens.
L'ambitieuse
aventure de « Raccrocher Par les Médias » a pu voir le jour suite à une
belle rencontre avec l’Association Participe Présent et l’équipe de Génération
Réactive qui projetaient de leur côté les mêmes idées évoquées ci-dessus et ont
rendu réalisable ce projet avec leurs savoir-faire et leur expérience.
Après
deux années de collaboration et d'implication, on en retire des satisfactions
au quotidien. Il est évident que ce projet devrait être au cœur d'une politique
d'établissement permettant la mise en oeuvre d'actions visant à lutter contre
le décrochage.
On
ne peut en dix séances de RPM résoudre ce fléau et transformer les
« décrocheurs » en élèves modèles et exemplaires comme l'aimeraient
certains collègues, cependant on peut se targuer de certaines prises de
conscience.
Pour
avoir côtoyé quotidiennement des élèves en délicatesse avec l’école on
s’aperçoit qu’ils ont un besoin commun de s'exprimer, d'être entendus et
écoutés, d'être valorisés. Ils ont tous si peu confiance en eux, leur estime
d'eux-mêmes est si faible...
Ils
se sentent dévalorisés par l'Ecole. Ils se retrouvent ici à l'initiative d’une nouvelle forme de
dialogue. Et font œuvre utile pour tous les acteurs de l’écosystème éducatif en
proposant une autre grille de lecture de l’école et du décrochage.
Bénéfices
personnels, le travail sur la posture a considérablement fait évoluer les
choses dans l'esprit de tous les élèves du groupe Raccrocher Par les Médias, qui
saisissent désormais l'importance et les enjeux de la communication non
verbale.
Ils
ont également pris en considération la nécessité de mettre un point d'honneur à
s'exprimer correctement pour être mieux entendus et écoutés. Ils ont pris
conscience enfin que les professeurs étaient des êtres humains qui se
remettaient en question de manière perpétuelle. Que certains souffraient devant
de tels échecs.
Je
pourrai citer encore et encore ses réussites et satisfactions que j'ai pu
retirer de ces deux belles années de collaboration. Des réussites qui ne
paraissent pas forcément importantes pour un élève Lambda, mais je peux vous
assurer que, pour le quotidien d'un Cpe ou celui des nombreux acteurs de L'Education
Nationale en zones sensibles, ce sont des avancées extrêmement enrichissantes
pour toute la communauté scolaire.
J'espère
sincèrement que ce projet pourra être utiles à de nombreux collègues dans de
nombreux collèges ou écoles de France et qu'il pourra apporter des solutions,
des réponses ou des pistes de réflexion intéressantes. Et prendre ainsi une
dimension pédagogique à la hauteur de mes espérances.
Un
grand merci à toutes les personnes qui ont rendu ce projet réalisable, un grand
merci à tous ces adultes et à tous ces jeunes qui se sont livrées sincèrement
face à une caméra, un grand merci aussi aux élèves de NSA pour l'espoir qu'ils
redonnent à tous à travers leur vision encore tant porteuse d'espoir.
Un
grand merci également car grâce à tous, certains élèves rêvent à nouveau et ils
se rendent ainsi compte que rien n'est figé et que l'espoir leur est encore
permis malgré leur décrochage et les erreurs ou fautes qu'ils ont déjà
commises...
Quelques
mots d'un Cpe.....
Slim Ouelha
1 commentaires:
Bonne idée ce projet!
Enregistrer un commentaire