Fiona

Fiona est en classe de 3^e. Un brin hyperactive et impulsive, elle démarre souvent au quart de tour et a du mal à rester longtemps assise. Desservie par un langage parfois fleuri et un ton qui pourrait paraître agressif, elle cache une personnalité attachante et drôle. Plus tard, elle aimerait travailler dans la petite enfance, mais se dit très inquiète pour son avenir. 

Autoportrait :


"Je suis inquiète de fou pour mon avenir"

Fiona revendique qu'elle n'aime pas l'école. Qu'elle a du mal à rester assise à écouter un prof. Et qu'elle a du mal à se lever le matin. La faute sans doute au fait qu'elle se couche extrêmement tard. Elle avoue qu'au collège les gens se sentent souvent agressés quand elle leur parle, alors qu'elle estime s'exprimer normalement. Elle reconnait qu'elle peut plus se contrôler, mais pas à l'école. Elle qui veut travailler plus tard en crèche, reconnait qu'elle est très inquiète pour son avenir.

Son interview de Mme Gobetti, principale du collège :

Partie 1 :

"J'ai un sentiment d'énervement face aux élèves décrocheurs"

Mme Gobetti partage sa définition et les causes du décrochage scolaire. Elle explique développer un sentiment d’énervement face aux élèves décrocheurs, parce qu’ils « gâchent les possibilités qu’ils ont à 15 ans ». Elle confie que la réussite à l’école était, pour elle, une condition d’indépendance et exprime ainsi sa confiance en l'éducation des filles.

Partie 2 :

"La sanction peut être éducative"

Mme Gobetti estime ici que la cité a une influence sur les jeunes. Elle déplore que leur rapport à la vie soit fait de violence et qu’ils manquent d’empathie. Elle les trouve très durs entre eux. La principale explique, par ailleurs, que la sanction peut être éducative pour les élèves afin qu’ils comprennent que tout n’est pas permis. Elle confie également le pire moment de sa carrière, une sombre affaire de mœurs.

Le bilan de Fiona :

« Notre posture provoque des a priori »

NB : Fiona est la seule élève du groupe qui n'a pas encore pu rencontrer un(e) professionnel(le) du secteur qui l'intéresse (petite enfance). Des rendez-vous sont toutefois calés d'ici la fin de l'année scolaire.

"Est ce que le programme Raccrocher Par les Médias (RPM) m’a fait changer ? Je ne pense pas. Je suis peut-être moins agressive quand je parle aux adultes. Cela dit, je ne comprends toujours pas qu’ils se sentent agressés quand je leur parle.

C’est vrai que j’ai gardé certaines choses. Comme par rapport à la posture. Avant je serrais la main comme si la personne avait la main sale. Maintenant je le fais plus fermement et en regardant la personne. J’ai vu que ça renvoyait une image plus dynamique et que quelque part c’était aussi une marque de respect et de considération.

Au-delà de la poignée de mains, je n’avais pas conscience que notre posture provoquait des jugements et des a priori. Maintenant si.

Je crois aussi que j’ai peut être amélioré ma concentration. Avant une heure pour moi c’était trop long. Là il nous est arrivé de rester 2h30 assis. A la fin je devenais folle, mais bon tout le monde était là je devais me tenir tranquille, ça ne se fait pas.

C’est Saadia (Diawara, le producteur du film La Cité Rose) qui m’a le plus marquée. Par rapport à ce qu’il a dit sur l’argent, la vie, la réussite. Je savais déjà tout ce qu’il a pu nous dire, mais il avait les bons mots.

Beaucoup de personnes que nous avons interviewées nous racontaient trop leur vie. Il y avait des choses intéressantes, mais parfois les réponses étaient tellement longues qu’on en oubliait la question.

L’année prochaine je m’oriente vers un bac pro « Aide à la personne ». Mais bon je ne pense pas que j’aurais mon bac, déjà que je n’aurais pas mon brevet... A la base je voulais faire un CAP « Petite enfance », or je suis en 3^e générale. Je n’aurais pu le faire qu’en sortant de la région, en internat. Mais ça n’a pas été possible. L’internat m’aurait permis de mieux réussir, parce que c’est plus encadré.

Je suis inquiète pour l’année prochaine. L’internat me convenait bien, mais le lycée… c’est chaud… Redoubler ? Non je n’en peux plus du collège, je m’ennuie trop. Et puis si je redouble il va me falloir trouver un autre collège…

RPM m’a fait souffler un peu. Là on pouvait parler, s’exprimer dans un cadre plus souple. J’avais l’impression d’être écoutée et entendue.

En cours maintenant je n’ai plus de problème. Je m’assoie et je ne calcule plus personne. Je n’ai jamais eu de problème avec l’école en fait, je ne la supporte pas c’est tout.

J’ai bien aimé la rencontre avec les Non Scolarisés Antérieurement. On a vu que finalement certains d’entre eux étaient comme nous, ils n’aimaient pas l’école. Je retiens aussi qu’ils leur arrivent d’être jusqu’à 100 par classe. Et aussi qu’ils s’y font frapper.

J’ai trouvé mignon que des élèves comme Awa aient des rêves (la jeune Malienne de 13 ans n’a jamais été à l’école. Elle veut devenir médecin). Moi je n’ai pas de rêve. Ou peut être que si. Je sais ce que je veux faire comme métier, mais je ne sais pas si je vais y arriver. Quant à l’école, je ne sais pas si je peux redresser la barre.

Des regrets ? Oui. Je me dis que si je n’avais pas fait l’élève perturbatrice quand j’étais petite (en 6^e), ça serait différent aujourd’hui.

J’ai conscience que les adultes peuvent être un soutien, une ressource, mais pas pour tout. J’ai essayé une fois d’aller vers un adulte du collège (M. Ouelha, CPE) mais il n’y a rien qui a changé. Il ne pouvait rien faire. "

Épilogue...

Rencontre avec Marie Père, éducatrice spécialisée dans la petite enfance:

Fiona a finalement pu rencontrer une éducatrice spécialisée dans la petite enfance. L'interview s'est déroulée dans une ambiance détendue au sein de son centre de formation à Aubervilliers.

De nombreux points ont ainsi été abordés, tant du point de vue de la réalité du métier qu'exerce Marie depuis 8 ans, que de celui de son propre parcours professionnel.

Elles ont par ailleurs échangé autour de la question de l'orientation de Fiona, et de nombreux conseils ont pu lui être apportés. Une rencontre enrichissante pour les deux parties.

"Cette rencontre m'a éclairée sur différents points et m'a donné envie de m'accrocher. Je me rends compte que mon projet est complètement réalisable mais qu'il faut que je m’investisse pour ça", estime Fiona.

"Marie m'a donné des conseils comme par exemple d'essayer de faire des stages dans des crèches et ce serait effectivement une bonne idée", poursuit-elle.

"Je sais maintenant un peu mieux comment faire pour parvenir à faire ce que j'ai toujours voulu faire. Et je sais aussi que je possède les qualités nécessaires pour y arriver."

Du nouveau côté orientation: un projet qui se construit.

Avec l'aide de l'équipe éducative du collège et de ses parents, Fiona était parvenue à trouver une école pour un CAP Petite Enfance en internat.

Cependant, les inscriptions ayant été clôturées, il n'y avait déjà plus de place lorsque les démarches ont été entamées.

La directrice de l'établissement a tout de même accepté de la rencontrer et lui a donné quelques conseils.

Elle lui a proposé d'effectuer, dans un premier temps, un CAP Cuisine, une des filières les plus accessibles pour les décrocheurs, avant de se diriger vers un CAP Petite Enfance qui nécessite un niveau plus élevé.

C'est donc ce chemin que va emprunter Fiona qui, un peu déçue au début, juge aujourd'hui que c'est effectivement ce qui serait le mieux.

"Ça va me permettre de rattraper le retard que j'ai accumulé et de me remettre à niveau avant d'entamer les études qui me plaisent vraiment. Et puis on sait jamais, si ça ce trouve ça me plaira et j'aurais plus envie d'arrêter..!"